Cahiers du Groupement
HAHNEMANNIEN
du Docteur P. Schmidt
Publié sous la direction du Docteur J. Baur
29ème série - N°10 - 1992
Médecine et traditions populaires
par le Dr J. BAUR
L'étude des propriétés antibiotiques des champignons a, depuis
quelques années, complètement renouvelé la thérapeutique des maladies infectieuses
microbiennes. Mais ces végétaux sont loin d'avoir livré tous leurs secrets et, depuis une
trentaine d'années, ils ont inspiré de nombreuses recherches dans le domaine de la
cancérologie.
En 1957, Lucas s'inspira des traditions des bûcherons de Bohême selon
lesquelles l'ingestion de Boletus Edulis
prémunissait contre le cancer. Depuis cette date, de nombreux travaux ont été poursuivis
par des équipes japonaises et coréennes, dont les études ont surtout porté sur des
Basidiomycètes appartenant à la famille des Polyporacées et des Agaricacées.
Les substances actives isolées, même si elles ne sont pas utilisées
sur l'homme en raison de leur toxicité, peuvent, lorsque leur structure chimique est
élucidée, servir de modèles pour d'éventuelle synthèses exploitables chez l'homme. Les
travaux se font à partir de cultures de myceliums rendues possibles depuis Kuhner (1946). A
Lyon, le professeur Oddoux a pu ainsi constituer une abondante collection de myceliums en
culture.
En 1985, une thèse de doctorat en pharmacie a été consacrée à ces
recherches (1).
Dans son roman "Le Pavillon des Cancéreux", Alexandre
Soljenytsine raconte l'histoire d'un jeune médecin russe qui, débutant sa pratique
médicale dans une campagne sibérienne reculée, découvre qu'il n'y a pas de maladie
cancéreuse dans son secteur. Intrigué par cette constatation, il entreprend une enquête
et remarque que, par mesure d'économie, les paysans de la région utilisaient, en guise de
thé, un champignon qui pousse sur les bouleaux sibériens, le Tchaga.
Ce champignon, que les botanistes ont appelé Inonotus
Obliquus, est lui aussi une Polyporacée, et a fait l'objet, ces dernières
années, de nombreuses études du professeur Kahlos et coll. dans le Laboratoire du
Département de Pharmacologie de l'Université d'Helsinki.
Intrigué à notre tour, nous avons demandé quelques renseignements à
ce sujet au docteur Tatiana Popova, de Kiev. Elle nous a appris que ce champignon était
officinal en Union Soviétique et constituait la base d'un médicament disponible dans les
pharmacies soviétiques. Il faisait donc partie de la Pharmacopée soviétique qui
l'indiquait comme médicament de certains troubles digestifs et des états cancéreux.
Nous publions ci-après les renseignements qu'elle nous a fournis,
pensant, comme l'écrit Hahnemann au chapitre d'Arnica,
que les traditions populaires ont toujours eu beaucoup à nous apprendre.
TCHAGA
INONOTUS OBLIQUUS
Polyporaceae - Basidiomycètes
Le composé est étudié partiellement. Le Tchaga contient des
chromogènes solubles dans l'eau ainsi qu'un acide de Tchaga (jusqu'à 60 %), des
polysaccharides (de 6 à 8 %), lignine, cellulose, des combinaisons stéroïdes, des acides
organiques (y compris l'acide oxalique jusqu'à 4,5 %), des phénols libres, des sels de
silicium, de fer, d'aluminium, de calcium, de magnesium, de sodium, de zinc, de cuivre, de
manganèse, un grand nombre de sels de potassium.
Le Tchaga active le métabolisme tissulaire cérébral, ce qui se
manifeste par le renforcement de l'activité bioélectrique du cortex cérébral, et par un
effet anti-inflammatoire d'ordre général et local.
A l'expérience, le Tchaga freine la croissance de certaines tumeurs.
La décoction du champignon abaisse la pression artérielle et veineuse,
ralentit le pouls.
La décoction (1:5) produit un effet hypoglycémiant.
On l'utilise comme fortifiant et anti-inflammatoire dans les maladies du
tube digestif et comme agent symptomatique dans des tumeurs de différentes localisations,
ainsi qu'en stomatologie.
La préparation de l'infusion de Tchaga
La matière est lavée, trempée dans de l'eau bouillie (de manière
qu'elle soit toute ramollie) et infusée pendant 4 ou 5 heures, ensuite broyée. L'eau, dans
laquelle on a fait tremper, sert de base à l'infusion éventuelle. Une partie du champignon
broyé est placée dans cinq parties de volume d'eau de trempage, réchauffée jusqu'à
50'C. On la fait infuser pendant 48 heures et on filtre. Le liquide ainsi obtenu est dilué
avec de l'eau, jusqu'à l'obtention du volume initial. L'infusion est conservée pendant 3
ou 4 jours.
Befunginum est un extrait semi-fluide de Tchaga avec
addition de 1 % de chlorure de cobalt ou de 2 % de sulfate de cobalt. Befunginum fait partie de la Pharmacopée nationale
soviétique.
On utilise le Tchaga et le Befunginum
dans le traitement du psoriasis, de l'eczéma et d'autres dermatites; le traitement est
surtout efficace dans les cas de combinaisons avec les maladies du tube digestif
Au cours du traitement de Tchaga (tchaga-thérapie), on recommande la
diète lacto-végétarienne excluant les conserves, viandes et poissons fumés, les
assaisonnements piquants. Il est aussi défendu de faire des injections intraveineuses de
glucose et d'utiliser les pénicillines.